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Dans les secrets de la vasque olympique volante

  • Publié le 10/07/2025
  • La vasque de la flamme olympique s’élève à nouveau tous les soirs jusqu’au 14 septembre dans les Jardins des Tuileries à Paris.   Doc : Mathieu Lehanneur

    La cérémonie d’ouverture des JO de Paris 2024 a été marquée par la cavalcade du cheval mécanique Zeus sur la Seine et l’allumage de la vasque olympique accrochée sous un ballon captif au milieu du Jardin des Tuileries. Une innovante flamme électrique, véritable prouesse technique alliant magie, poésie et développement durable. Découvrez avec nous l’envers du décor.  

    Elle a été la star des Jeux Olympiques de Paris 2024 et elle revient cette année du 21 juin au 14 septembre dans les Jardins des Tuileries à Paris, puis en 2026 et 2027 pour assurer la transition avec les JO de Los Angeles en 2028, c’est la vasque olympique qui s’élève tous les soirs dans le ciel à la tombée de la nuit, imaginée par le designer Mathieu Lehanneur.  

    « Je l’avais créée pour un événement bien spécifique et elle aurait dû disparaitre après, mais elle a suscité un tel engouement populaire et est devenue un nouveau symbole de Paris, qu’il a été décidé de la faire perdurer tous les étés jusqu’aux prochains JO. Donc cela devient un peu un monument, mais un monument saisonnier plutôt léger », explique le designer. 

    Une vasque dont la genèse a été rapide. Le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques d’été Paris 2024 (COJOP) a présélectionné une dizaine de cabinets de design avec lesquels il souhaitait travailler et leur a donné trois semaines pour concevoir la torche olympique qui allait traverser toute la France, le chaudron qui recevrait la flamme olympique dans chaque ville étape, et enfin la vasque olympique qui abriterait la flamme le temps des jeux. Après avoir travaillé avec son équipe sur la torche et le chaudron, Mathieu Lehanneur s’est intéressé à la vasque.  

    Et si on faisait une vasque volante ?  

    « Loin de l’idée de faire du spectacle, je voulais aller chercher ceux qui ne sont pas intéressés par le sport et réticents vis-à-vis de cette grand-messe planétaire, en leur créant une émotion, en ramenant de la magie dans ce monde rempli de technologies qui ne fait plus rêver. Il fallait aussi que cette vasque soit visible du plus grand nombre, donc prendre de la hauteur sans toutefois construire une tour. C’est ainsi qu’est née l’idée d’une vasque volante ».  

    Une idée qui s’est imposée d’autant plus qu’elle rappelait le premier vol en ballon captif d’un être humain, qui eu lieu à Paris le 19 octobre 1783 avec Jean-François Pilâtre de Rozier et Giroud de Villette, suivi le 21 novembre du premier vol libre humain.  

    « Lorsque j’ai émis cette idée de vasque olympique volante devant le comité de sélection du COJOP, il y a eu un grand silence, mais dès que j’ai présenté le projet en images avec un ballon éclairé portant la vasque olympique dans le crépuscule parisien sur fond de Tour Eiffel et de Grand Palais illuminés, j’ai compris que le courant passait, que l’émotion et l’émerveillement étaient là, et qu’il y avait une sorte d’évidence pour tout le monde. » Et le projet fut retenu, restait à trouver les partenaires capables de le réaliser.  

    Le principe du ballon captif qui supporte la vasque de la flamme olympique.  
    Doc : Aerophile  

    Le leader du ballon captif  

    Le choix du ballon fut simple. Il a été fait appel à Aérophile, spécialiste français des ballons captifs, avec plus de 120 ballons captifs installés dans le monde, qui transportent chaque année plus d’un million de passagers. Le ballon retenu fait 22,50 mètres de diamètre, soit un volume de 6 200 m³ d’hélium sous 900 Pa (9×10-3 Bar), ce qui lui donne une force ascensionnelle nominale de 4 800 kg. Sa hauteur totale, nacelle comprise, est de 34 mètres.  

    Il est relié à sa station de treuillage de 6 tonnes par un câble en acier de 22 mm ayant une résistance à la rupture de 45 tonnes. Celui-ci vient s’enrouler sur un treuil mu par un moteur électrique de 45 kW qui permet une vitesse de montée d’environ 50 m/min et une vitesse de descente d’environ 40 m/min. Le ballon est maintenu à une altitude de 60 mètres.  

    Une flamme qui ne brule pas 

    « EDF, partenaire des JO, avait de son côté proposé au COJOP sa technologie de flamme décarbonée. Et c’est par un appel d’offre début 2023 que nous sommes entrés en contact avec eux, puis avec les équipes de Mathieu Lehanneur. Les deux approches fonctionnaient bien ensemble car cela permettait d’avoir en toute sécurité une flamme non combustible sous un ballon gonflé à l’hélium », se rappelle Axel Perraud, chef de projet chez Atelier Blam, qui a réalisé la vasque volante.  

    Il s’en est suivi une phase de 6 mois de conception et d’essais de prototypes de 2 mètres de diamètre pour développer la technologie, afin de convaincre le COJOP qu’elle était spectaculaire et fiable. De fait, la technologie de flamme décarbonée est simple, de l’eau brumisée est injectée entre deux lames d’air et éclairée par-dessous avec des projecteurs LED, créant l’illusion d’une flamme et de fumée. « Mais il fallait intégrer toute cette technologie dans une nacelle de 7 mètres de diamètre suspendue sous un ballon captif oscillant au gré du vent à 60 mètres d’altitude avec un poids minimum. Et bien entendu avec un aspect esthétique imposant que l’on ne voit pas toute cette technologie. Le tout en respectant les nombreuses réglementations propres au domaine aéronautique », explique Nicolas Daune, responsable de la modélisation et du suivi de fabrication chez Atelier Blam.  

    Vue montrant la nacelle intérieure qui cache les équipements techniques et supporte les panneaux réflecteurs, ainsi que la couronne qui abrite les brumisateurs, les ventilateurs et les éclairages produisant la flamme électrique.   Doc : Atelier Blam  

    Un cordon ombilical pour l’alimenter 

    Déjà il a fallu amener l’eau, l’électricité et les informations de commande jusqu’à la plate-forme. Pour cela, un ‘‘cordon’’ intégrant autour d’un câble porteur, 2 flexibles hydrauliques véhiculant de l’eau sous 80 bars, un câble électrique de puissance et une fibre optique pour la commande, vient s’enrouler automatiquement comme une liane autour du câble de 22 mm en acier qui retient le ballon, au fur et à mesure qu’il se déroule. Par contre, lors de la descente du ballon, une intervention humaine est nécessaire pour désenrouler et lover le cordon dans une encoche circulaire au sol.  

    « La plate-forme doit quant à elle être à la fois légère et résistante, c’est pourquoi nous avons largement fait appel à des tôles d’aluminium de 20 mm usinées dans la masse. Alors que pour la vasque originale de 2024 nous avions opté pour un assemblage riveté car elle ne devait être assemblée qu’une fois et fonctionner que 30 jours, dans cette nouvelle version qui va fonctionner 3 fois 3 mois, nous sommes passés à un assemblage vissé qui facilite son démontage et son stockage, ainsi que toutes les opérations de maintenance. Une longévité qui a imposé aussi plein d’améliorations, ce qui a fait passer le poids de la vasque de 1,7 à 1,9 tonnes », précise Axel Perraud.  

    De fait, la nacelle centrale est divisée en 4 parties pour faciliter son transport. Elle regroupe les arrivées d’eau et d’électricité, ainsi que les raccordements permettant de les distribuer vers les buses de brumisation, les ventilateurs et les projecteurs LED situés à la périphérie de la vasque. Elle intègre aussi une armoire de commande. Cette nacelle centrale sert de support à des bras mécano-soudés en aluminium formant la couronne extérieure de 7 mètres de diamètre dans laquelle se trouve 32 ventilateurs et 2 couronnes en inox générant 2 lames d’air entre lesquelles sont installés 200 buses de brumisation et 40 panneaux d’éclairage LED. Le départ des bras mécano-soudés sert aussi de point d’ancrage au 8 groupes d’élingues qui relient la vasque au ballon qui la surplombe.  

    Premiers essais sous grue à Nantes de la première version de la vasque de la flamme olympique.  

    Doc : Atelier Blam 

    Structure de la nacelle intérieure sur laquelle viennent s’accrocher les éléments de la couronne extérieure.  

    Doc : Atelier Blam 

    Reconcevoir pour durer  

    « Sur cette nouvelle plate-forme nous avons tout retravaillé tant au niveau de l’intégration que de l’accès aux différents composants pour faciliter leur maintenance. Nous avons aussi retravaillé les circuits de captage des eaux de ruissèlement dues à la brumisation. En effet, le système consomme environ 2 m3/h. Si une partie s’échappe de la nacelle portée par le vent vers les jardins, une autre partie se condense sur les structures. On ne peut pas la stocker dans la nacelle car cela augmenterait le poids à supporter par le ballon, donc nous avons fait en sorte qu’elle ne ruissèle pas sur les composants sensibles et soit dirigée vers le Grand Bassin Rond asséché où est installé le ballon, afin d’en humidifié les joints en argile », explique Nicolas Daune.  

    Atelier Blam, qui a été le maître d’œuvre de la vasque en assurant la gestion du projet, la conception de l’ensemble, la réalisation de la structure porteuse, ainsi que l’intégration de l’ensemble, a aussi fait appel à des prestataires extérieurs pour assurer les parties électriques et hydraulique, tel Belle Environnement pour la brumisation.  

    Pour alimenter les brumisateurs, il y a 2 groupes de 2 pompes au sol, fonctionnant en alternance, qui débitent une eau sous pression à 80 bars permettant de la faire remonter jusqu’à la plate-forme avant d’être pulvérisée par les brumisateurs. « Cette eau qui provient du réseau d’eau potable de la Ville de Paris est décalcairisée et traitée au sol car la brumisation fait l’objet de normes sanitaires très strictes », complète Axel Perraud.  

    Les points d’ancrage des élingues soutenant la nacelle.  

    Doc : Atelier Blam  

    Usinage dans la masse des points d’ancrage des élingues. 

    Doc : Atelier Blam

    Sera-t-elle pérennisée ?  

    Pour réaliser ce projet Atelier Blam a utilisé 2 logiciels de conception : « Pour toute la partie avant-projet et recherche esthétique, nous avons utilisé Rhino 3D, ce qui nous a permis d’échanger avec Mathieu Lehanneur. Ensuite lorsque les grandes lignes ont été définies à 90 % nous sommes passés sur SolidWorks, afin d’assurer la conception de détail et la préparation des usinages. L’une des forces d’Atelier Blam, outre le fait d’avoir des compétences sur de multiples technologies, c’est de disposer de son propre atelier d’usinage et de fabrication, ce qui permet un dialogue constant avec les concepteurs et de faire évoluer les pièces conçues en fonction des retours de terrain. C’est d’autant plus important dans le cas de la vasque car en fait même si nous en sommes à la seconde mouture, c’est toujours un prototype », explique Nicolas Daune.  

    Reste que ce ballon avec cette vasque olympique est en passe de devenir l’un des emblèmes de la capitale et attire toujours des milliers de spectateurs tous les soirs. Peut-être pourrait-on le voir perdurer, comme ce fut le cas pour la Tour Eiffel, qui devait être démontée après l’exposition universelle de 1889.  

    Jean-François Prevéraud  

    Pour en savoir plus :  

    https://vasqueparis2024.fr/

    https://www.mathieulehanneur.fr/project/vasque-olympique-paris-2024-316

    https://www.aerophile.com/

    https://bl-am.fr/fr/project/flamme-innovante-fr/